Un petit verre ça fait pas d'mal

Ft. Thaddeus

Ah. Vendredi. Quel merveilleux jour que le vendredi. Plus précisément l’après-midi quand ses cours se terminaient enfin pour deux jours d’affiler. Christophe vivait pour les cours du vendredi, surtout ceux de 15 à 17h, des poufsouffle, septième année, tous plus agréable et passionné les uns que les autres. Calme aussi, et sérieux. Une de ses classes favorite, de loin. Ils avaient fait une petite lecture de thé, et du tarot, par miracle aucuns des jeunes gens n’avaient prédit une mort, ou celle de leur animaux de compagnies. Et puis il n’y avait eu ni agitation soudaine, ni violente transe de qui que ce soit, tout le monde avait pu partir sain et sauf pour le weekend sans aucunes idées noires sur Jean-Luc le hibou et son suicide prémonitoire vu dans un jeu de carte. Parce que ce genre de chose, avec les plus jeunes, surtout les gryffondor, Christophe n’en pouvait plus. Tous des reines du drame, à chercher le pire dans chaque micro particules de thé comme s’il leur était impossible d’avoir une prédiction banale ou n’incluant pas le cancer fulgurant de tante Margueritte. Les filles restaient entre autre les pires. La plus part du temps elles harcelaient le voyant de demandes, sans arrêts, sur leur vie amoureuse, ou sur leur futur de femme. Auquel Christophe répondait sans fautes par un merveilleux ‘Tu finiras seule sans enfant et ridée comme un pruneau ma puce. ‘

C’était donc à 17h30 que le professeur de divination après avoir remis un peu d’ordre dans sa salle sortit enfin son paquet de cigarette. Comme d’habitude il avait déjà fumé pendant les deux heures de cours, sans surprise. Oups. Pas comme si les septièmes années n’étaient pas habitué après tout, ça faisait quatre ans qu’ils l’avaient sur le dos. La clope au bec, son attention fut tout du moins soudainement attirée par un bruit. Un bruit de balais qui raclait le sol. Avec l’aisance d’un pachyderme, le blond se redressa donc, sortant de son siège et marchant vers la porte pour s’appuyer contre l’encadrement et scanner le couloir, y repérant immédiatement au loin Thaddeus.  Il était rare de voir le jeune concierge aussi tôt à son étage. Pourquoi s’affairait-il donc ici ? Aucunes idées. Tant mieux après tout, il était bien le seul avec qui Christophe pouvait fumer et boire comme un trou sans aucuns complexe vu que son collègue était aussi drogué que lui.
D’un geste de la main, il interpella son cadet, avant d’allumer sa cigarette pour lui laisser le temps d’arriver. En trois ans à l’avoir côtoyé, en y repensant, Christophe réalisa qu’ils n’avaient jamais passé beaucoup de temps ensemble, ou parlé énormément.  Une chose bien dommage vu qu’ils partageaient tout deux l’amour de se niquer la santé sans aucunes formes de pitié et avec toute la sobriété d’un vieux tonton Ricard.

« Hey, Thadd’ ça fait un bail. Tu viens t’asseoir fumer un peu? »

Rentrant dans sa salle en expirant, il alla directement vers son bureau, pour s’y accroupir et fouiller dans les tiroirs. Quitte à parler, autant parler autour de quelque chose de bon. Et il savait pertinemment qu’il avait planqué ce quelque chose depuis son arrivée à Poudlard il y avait de ça cinq ans.

« Hm… Dois m’rester un truc dans un tiroir… Te gêne pas surtout, prend un siège, deux sièges, un gros pouf, tu peux même poser ton cul sur le tapis ou une table mets-toi à l’aise surtout ! Tu peux te servir du thé en attendant s’tu veux, la théière doit être sur une table quelque part, il doit encore être chaud, y a des tasses propres dans le fond de la salle je crois. Dans un des petits placards. »

Redressant la tête quelques secondes, observant une nouvelle fois son interlocuteur, il sourit légèrement en soufflant une nouvelle fois.

« Y a deux trois boules en verre à côté. J’te dirais bien que tu peux les casser si tu veux, d’toute façon on peut rien y lire, mais vu que Dumbledore fournit même pas le thé mieux vaut pas tenter le diable.»

En vrai, Christophe rêvait de détruire chaque boule en verre toutes avec au moins une fissure ou deux, horriblement sale et qui prenaient plus la poussière qu’autre chose. Bien sûr quand ils étaient obligés de les utiliser pour faire un minimum de pratique le professeur s’en contentait, mais il détestait toujours autant Dumbledore pour cette seule raison que depuis cinq ans, il ne voulait même pas au moins lui fournir trois ou quatre véritable boule en cristal. Le pauvre était forcé d’utiliser son matériel personnel pour montrer des exemples concrets de véritable divination par les cristaux. Plus que quiconque, il était bel et bien conscient du prix exorbitant d’une seule sphère précieuse, mais Jésus si Slughorn avait le droit à une réserve entière de plantes plus rares les unes que les autres, lui aussi pouvait au moins mériter des outils correct pour apprendre à ses quelques élèves les arts divinatoires.
Et ce fut avec énormément de fierté que le français se redressa, portant une bouteille entre ses bras comme un petit bébé, deux coupes de vin dans sa main libre, soufflant légèrement sur l’étiquette  poussiéreuse.

« Ah-Ah ! Regarde-moi c’te beauté mon vieux. Un Château La Lagune, 1962. J’la réservais pour une grande occasion, mais bon, parler avec toi c’est déjà un petit évènement. Puis tu dois avoir l’habitude de boire de la piquette, ça te fera pas de mal un grand cru. »

Christophe posa le tout sur son bureau mal rangé, débouchant la bouteille avec précaution.

« Enfin, y faudra que t’attende au moins trente minute, le bon vin, il faut le laisser prendre l’air. Mais c’pas grave vu qu’il reste du thé, on va pas mourir de soif. D’ailleurs, qu’est-ce que tu fais à mon étage ? Il est encore tôt, t’a déjà fini tous les autres ? »

Un petit verre ça fait pas d'mal

Ft. Thaddeus

« Le thé ? Ca dépend. Certain endorment, certain détendent, certain sont aussi revigorant qu’un litron de café. Le meilleur des thés pour la divination, c’est le noir. Beaucoup de petites particules et de feuilles bien sombres qui contrastent sur le blanc, c’est aussi plus claire et vivace que les feuilles vertes. Et puis j’aime pas le thé vert ni le blanc. Celui-ci est à la rose, je voulais faire des prédictions plus douces pour la fin de semaine. S’tu veux je peux même essayer de voir quel genre de péripéties sentimentales t’attende. »

Tout en déposant la bouteille sur la table, suivit par les deux coupes, le voyant mit son paquet de cigarettes déjà à moitié vide en face de son confrère, pour qu’il se serve autant que faire ce peu, s’appuyant légèrement sur la table en écoutant ses misères. Un jour peut-être, aurait-il le courage d’aller parler du budget inexistant à McGonagall de façon claire et précise pour qu’elle essaye elle-même d’en toucher un mot ou deux au directeur. Après tout ça commençait à bien faire qu'au bout de cinq ans de travail ici Christophe n'ai jamais vu aucun changement, et si même Thaddeus n’avait pas de matériel convenable pour assurer l’un des besoins les plus primaires de cette école, il ne savait plus quoi penser. Il n'y avait pas non plus milles employés à payé, et ce fichu château ne tombait pas en ruine, donc outre tombé dans le coffre fort de Dumbledore, Christophe restait perplexe sur les raisons d'un aussi gros manque de moyens.

Le professeur de divination fut tiré de ses pensées par la réponse à sa question, entre autre ce que le concierge faisait aussi tôt ici. Et ladite réponse le laissa à la fois bouche bée et touché. C’était mignon. C’était totalement adorable que de dire de pareilles choses, déjà parce que Chris était habitués aux regards apeurés et aux rumeurs cinglante des élèves comme de certains collègues. Pédophile, trafiquant de drogue, gros pervers, toxicomane, il avait tout eu, de la part de quasiment tout le monde, et la solitude était devenue sa meilleur amie quand Stanford était occupé. Fort heureusement désormais les nouveaux enseignants étaient bien plus tolérants et amicaux. Tout ça pour dire qu’autant de gentillesse, il n’en avait absolument pas l’habitude. Et sa tête devait sans doute retranscrire toute sa surprise. Il décida de se redresser, pour se diriger vers le jeune homme.

« Thaddeus. Thaddeus s’il te plaît. Je t’en prie. Thaddeus. »

Déposant sa cigarette dans une tasse sale et d’un air très grave, il attrapa son collègue par les épaules, laissant le silence s’installer, avant de se rapprocher, et dire d’une voix amusé et douce, comme pour rassurer un enfant ayant fait une petite faute.

« Tu t’excuses vraiment à moi, parce que de temps en temps le septième est sale ? Sérieusement ?»

Et enfin Christophe éclata de rire, tapotant le dos du concierge en reprenant sa clope pour la rallumer, en s’asseyant enfin sur un siège tout en se servant à son tour une tasse. Il mit ses pieds sur une autre chaise non loin, faisant un vaste geste de la main pour désigner sa petite salle, parce que vraiment, s’excuser de bâcler le ménage, à lui, probablement le professeur le plus crade de toute l'école, c’était même plus de la politesse, mais de l’ignorance. Quitte à s’excuser auprès de quelqu’un, autant dire pardon aux tableaux ou aux gryffondors. Enfin non pas aux gryffondors, ils ne méritaient pas d’excuses eux.

« Est-ce que t’as bien regardé ma classe. Entre les tulipes mortes, la poussière dans les placards et mes cendriers dont la moitié sont plein un peu partout sur les fenêtres et mon bureau... Je peux te promettre, que je suis le dernier à m’inquiéter sur la propreté des couloirs. »

Il rit une nouvelle fois, sirotant son thé en laissant ses yeux vagabonder autour d’eux.

« Enfin, c’est adorable de ta part de te faire du mouron pour ça, mais je suis presque certain que c’est bien le dernier étage, sans mauvais jeux de mots, qui s’offusque d’avoir un environnement moins propre que les autres. »

Le voyant tira longuement sur sa cigarette, pensif un instant. De quoi parler tranquillement en attendant que le vin prenne l’air, telle était la question. Il était bavard, il était très bavard, mais uniquement quand on le lançait sur un sujet, pour en créer un, lui, il était pire que nul à vrai dire, une vraie quiche. Il n’avait pas non plus trente mille sujets de discussion, déjà en avoir trois c’était suffisant la plus part du temps.

« Sans être indiscret. »

Il tapota sa cendre dans la tasse désormais totalement ruiné ayant eu le malheur de ne pas être rangée.

« Pourquoi tu bosses comme concierge à Poudlard, Thadd ? J’admire beaucoup ton travail, un boulot éprouvant, vraiment, mais, c’est pas vraiment un job de rêve, sans vouloir te vexer. »

Un petit verre ça fait pas d'mal

Ft. Thaddeus

« Mon thé préféré ? Ça dépend de mon humeur, franchement. Je dois t’avouer que celui-ci est l’un de mes favoris. Le Tchai aussi est pas mal. Totalement nul à chier pour lire dedans, mais très bon à consommer, surtout avec du lait.»

S’il continuait comme ça, le voyant allait se mettre à faire toute une liste des thés, et parler de comment avec les confitures faites maisons de sa mère sur des tartines beurrés, n’importe quel type de boisson passaient crème, et que le Darjeeling bien infusé couplé à trois sucres pouvaient révéler le dessert du dîner, mais ce n’était certainement pas ce que la question posée très probablement par pur politesse de son collègue voulait développer. Peu de gens voulaient développer sur un goûter à la française ou comment deviner le menu du jour. Même si dans un cas pareil, le professeur de divination ne s’arrêterai plus de parler. Le bon côté des choses, c’est qu’il avait réussi à faire rigoler Thaddeus en lui proposant une séance de lecture. Même si techniquement, il était plus que sérieux dans le fait de le faire, moins sur une quelconque réussite ou vérité dans ce qu’il allait y voir. Mais ça ne valait rien d’au moins essayer.

« Fais pas ta mijaurée Thadd, de toute façon c’pas comme si ça me dérangeait de lire tes feuilles sinon je te l’aurai pas proposé. Puis on sait jamais, p’t’être bien qu’je vais t’prédire quand tu vas rencontrer ton âme sœur ! Avoue, tu voudrais pas rater ça quand même, canaillou.»

Christophe fut surpris de voir que son interlocuteur ne se permis de prendre qu’une cigarette. Bon, évidemment il ne s’attendait pas à ce qu’il lui vole tout le paquet, mais au moins deux, c’était assez dur avec son propre salaire de répondre à ses besoins de fumeurs compulsif, alors il n’osait franchement pas imaginer avec une paye comme celle du concierge. Après, peut-être que son cadet n’était pas un gros addict, grand bien lui fasse si c’était le cas, mais il ne put tout de même pas s’empêcher de le faire gentiment remarquer en grattant son nez.

« D’ailleurs hésite pas à prendre deux autres clopes hein, d’toute façon fallait que j’aille en acheter demain. »

Ce qui était en outre vrai. Parce que c’était bel et bien son dernier paquet. Et qu’il ne comptait certainement pas revivre l’horreur de fumer une cigarette cassée retrouvée à trois mètres d’un mouton de poussière et d’une chaussette tellement vieille et sale qu’il avait juré voir un écosystème s’y être développé. Il avait même eu l’impression de trouver de la moisissure sur le filtre, rien que d’y penser il en avait des frissons. La réflexion suivant celle sur le ménage et de sa salle dans un état proche de l’Ohio le fit à nouveau rire de bon cœur. Il ne savait même pas où il serait dans un mois, alors quand il aura sa crise de la quarantaine, encore moins. Peut-être de retour en France, ou bien au fond d’un lac parce qu’il avait passé une soirée beaucoup trop arrosée et était incapable de marcher droit.

« Si je t’engage je te promets que t’aura au moins un paquet par semaine.  Et que tu seras pas obligé de faire le ménage. Par contre pour la bouffe faudra que tu m’aides ça tombe pas du ciel ces conneries, donc tu devras faire la cuisine mon gars. »

Mais la légèreté de leur conversation pris fin au monologue de son collègue, qui rendit Christophe silencieux, et perplexe, peut-être qu’il n’aurait pas dû poser une question aussi personnelle, ouch. Il se doutait bien que devenir concierge n’était pas quelque chose qu’on faisait de gaité de cœur, mais à ce point, s’en était carrément triste. Après, il n’était pas difficile pour le blond de voir le raisonnement logique derrière un tel geste, même s’il ne connaissait désormais que le point de vu de Thaddeus, il était aisé de se dire que garder un enfant qui ne faisait rien, et ne voulait pas non plus changer la situation, en le nourrissant et le logeant, pouvait être dur, mais pas au point de le foutre à Poudlard avec un boulot aussi miteux.

« Dur c’que tu me racontes là… T’as jamais pensé à postuler pour un job du côté de Pré-au-Lards ou chez les moldus ? Enfin après, faut aussi que tu te trouves un logement, que tu te payes les meubles qui vont avec s’il est pas déjà meublé, puis les besoins de bases... J’avoue ça serai beaucoup plus chiant. »

Carrément plus chiant ouais. Fort heureusement le sujet de conversation changea à nouveau. Ah. Les gamins. Oui. Entre ceux qui dormaient comme des loques, ceux qui le harcelaient pendant des semaines pour pouvoir faire de l’ovomancie en ramenant trois cartons d’œufs par jour, et ceux qui essayaient de devenir les plus grands devins de tous les siècles en lisant les cartes de tout le monde et en prédisant des choses bien trop extrême et spécifique pour un jeu de tarot, Christophe avait son lot.

« C’est sûr que je l’ai choisi ce job, donc je peux pas non plus trop m’en plaindre. Ca dépend desquels. Le peu de gryffon que j’ai ils sont invivables, les serpentards sont assez calme, j’ai des vrais cassos chez les serdaigles, et puis les pouffy, eh, ils sont comme les serpy je dirais. Dans tous les cas avec un cours optionnel comme le mien, y a pas non plus des masses de gamins, donc j’ai pas vraiment de quoi me plaindre. »

Il termina sur ces bons mots sa tasse de thé, avant d’attraper lui-même une autre cigarette, vu qu'il avait terminé l'autre il y avait de ça déjà au moins six ou sept phrases. Parce que plus de dix minutes sans cloper, c’était extrêmement difficile. Peut-être devrait-il aéré sa salle, un jour, d’ailleurs. Quand il aurai le temps.